Dans le milieu de l'après-midi, enfin, nous arrivons à l’hotel. A 3 km du centre ville, au bout d'une longue route un peu chaotique, derrière un rideau d’arbres, un lacet du Rio Mindo protège un petit paradis en lisière de forêt. Une trouée dans le mur végétal, difficile à trouver, nous révèle le câble d’un téléphérique. Il enjambe à 20 mètres au dessus d'elle les eaux vives de la rivière. Au bout du câble, une plateforme se balance doucement. Ici, on appelle ça un "Tarabita". ça se tracte à bout de bras. Très vite nous nous faisons le film… Il va falloir passer là dessus… Il ne doit pas faire bon tomber là dedans. A la perspective, les bras de Anne lui en tombent, Sylvie jubile. On se croirait dans un jeu de piste. Personne ne nous attend. Pas de système pour rapatrier la plateforme vers nous. Pas de sonnettes bien sur. On appelle. On klaxonne. Ça fait un drôle d’effet que de chercher à obtenir un truc que l'on craint se dit Anne ; c’est quasi schizophrénique. Pour finir nous voyons apparaitre un solide gaillard. Le bruit de l’eau vive nous rend toute conversation sonore impossible. Il nous envoie la plateforme. Notre guide, rompue à l’exercice, cale dessus nos bagages. Ils repartent dans l’autre sens animé d’un léger balancement qui nous fait craindre la chute. Puis c’est au tour de l’une d’entre nous. Anne cède royalement sa place à Sylvie car, bien entendu vu nos gabarits, il est hors de question de passer à deux. Sylvie ferait bientôt balancer la plateforme tant ça l’amuse. Et bien sur, elle immortalise de quelques photos la rivière. Anne a à peine le temps de penser que ça donnera un cliché genre photo pris d’un pont, que c’est à son tour… bof en fait ; même pas peur. C’est joli, jouissif et sans fatigue… vue que c’est l’armoire à classe de l’autre côté qui déploie tous les efforts 🙂 Esther et André nous rejoignent histoire de jeter avec nous un coup d’oeil sur la "cabane" de luxe qui va nous servir de chambre. Eux, ils dorment ailleurs. Ester nous rejoindra demain à l’aube - genre 5h - pour une balade ornithologique sur les alentours.
L’hotel, tout de bois vêtu, fait penser à un habitat balinais. Hormis les cabanes de luxes, le batiment central est composé de 3 grands espaces - la cuisine-salle à manger avec une immense table d’hôte et deux espaces détentes avec hamacs et canapés - délimités entre eux par des murets végétaux. A part la cuisine et quelques lieux genre toilettes, bureau, ..., il n’y a pas de mur et notre regard plonge de partout dans le jardin et la forêt. Nous prendrons tous nos repas là, avec les autres clients, dans un soit-disant mélange fraternel, mais, barrière de la langue oblige et sale caractère aidant, nous ne ferons que nous assoir côte à côte.
Allez. Il est 5 heures. Nous voici, Anne, Sylvie et Esther, crapahutant dans la forêt à travers les fougères dans des chemins pentus pleins de boue glissante qui découragent Anne en 10mn montre en main. Elle renonce et rebrousse chemin. La guide avance d’un bon pas traînant à sa suite une Sylvie lestée de son super-zoom télescopique qui peine à la suivre ; c'est qu'il faut se dépêcher si l'on veut profiter des ébats matinaux d'un certain oiseau réputé dans le coin ; le Cock-of-the-Rocks. Ces messieurs et mesdames volatiles n'offrent qu'une heure de leur précieuse journée à l'avide observation des photographes à 1 endroit précis :Le Lek (le bar). L'animal affiche un plumage rouge vif sur le corps, noir sur les ailes et blanc par-ci par-là. Pour couronner le tout, Il arbore une crête en forme de pompon qu'il peut à l'occasion déployer... petitement ; ce n'est pas un paon. Les conditions ne sont pas idéales ; ça manque de lumière, ça volette frénétiquement dans tous les sens et Sylvie se rode à ces nouvelles conditions ; plus facile de photographier un pélican. Après maintes essais, Sylvie réussit une seule photo satisfaisante dans une moisson de flous artistiques. Puis la visite se poursuit mais l'heure bénie est finie ; on entend les oiseaux mais on ne les voit plus. Esther, consciente de leurs états de fatigue respectifs, appelle André à la rescousse. Il vient les récupérer, en voiture, sur un chemin passant un peu plus haut révélant au passage une entrée beaucoup plus traditionnelle menant à l'hôtel, reclassant le "tarabita" au rang d'attraction purement touristique.
Nous ne raffolons pas des orchidées... et alors ? ! Êtes-vous en droit de nous dire. (Ou une autre de se dire que merde ! J'aurais jamais dû leur en offrir, sous entendu que franchement, on ne les mérite pas... les orchidées...). Mais, voyez-vous, en équateur, 1 plante sur 4 EST une orchidée... et même qu'au niveau mondial 1 sur 10 en est une - c'est pas de notre faute quand même si on préfère les marguerites. Alors quand on nous propose de visiter un conservatoire d'orchidées, et bien, on visite. Celui-là est tenu par une ronde bonne femme courte sur patte habillée d'une blouse synthétique à fleur (pas des orchidées) qui ne lui donne vraiment pas l'air d'être une spécialiste... passionnée, en fait, elle en est passionnante. Et c'est avec un franc plaisir que nous sillonnons avec elle le dédale végétal, étroit et sombre taillé à même la luxuriante forêt qui compose son jardin comme on visiterait sa maison pour admirer quelques-unes des 250 sous-espèces d'orchidées qu'elle chouchoute avec amour (parfois empiriquement nous semble-t'il). Nous apprenons, entre autres, qu'il en existe à peu près 4250 autres... ça paraît tant ! ... mais ça n'empêche pas que la plupart soient menacées d'extinction par - je vous le donne dans le mille - les activités humaines. A force, comment ne voulez-vous pas vous dire que pour le bien de la planète ce serait profitable de limiter le ras de marais humain... Malthus n'avait peut-être pas tort dans le fond se dit Anne 🤨. Chassons ces pensées fratricides et admirons plutôt les superbes colibris venus se restaurer dans une dizaine de sorte de buvettes en plastique criard ! Mon dieu que ça bouge vite c'est chose la !! Inutile de vous dire que Sylvie frôle la parfaite euphorie quand elle parvient à avoir une prise de vue nette. Anne, quant à elle, se réserve pour les tortues beaucoup plus adaptées à son rythme naturel au contraire de ces frénétiques volatiles. Mais la, y'en a pas. Alors elle admire.
Ne nous arrêtons pas en si bon chemin. s'offre à nous un Mariposario. Comprenez une volière à papillons. Y'en a plein, de toutes les tailles, de toutes les couleurs. Il y en a surtout un beau gros spécimen aux ailes bleues pailleté d'un côté, brun terne de l'autre, quoique cette face là arbore une belle imitation d'yeux (des ocelles dit-on) stratégiquement là pour détourner l'attention des prédateurs. Bien sûr, le morpho - de son petit nom - montre sa belle face en plein vol et l'autre une fois posé ; stratégie de camouflage oblige. Ce qui n'arrange pas Sylvie qui bien sûr s'échine en vain à saisir l'animal en plein vol. C'est la frustration assurée. Anne, pragmatique pour une fois, en trouve un mort - sans doute pris d'une crise cardiaque en plein vol - un petit peu abimé sur les bords mais, elle au moins, elle a en photo la bonne face :-). On a vu des cocons, plein, des éclosions, on a pu s'appesantir sur le développé chaotique du vol, mais ce qui a surpris Anne c'est de constater comment cette frénétique activité était... silencieuse. C'est pas franchement bruyant le battement d'ailes du papillon ! Prenez celui des colibris de tout à l'heure... et celui de la mouche ! Et du moustique ! ! A peine si vous ressentez, voire imaginez, un petit déplacement d'air quand un papillon vous frôle...
Nous finissons la journée sur un bon chocolat chaud, exténuées de nos efforts photographiques et de nos nombreux fous rires, à peine désolées d'être arrivés trop tard pour visiter la chocolaterie.