Nous sommes épuisées. Nous sommes réveillées depuis 4h30 ce matin, avons fait plus de 5 heures de voiture, 2h de ferry, 1h30 d'attentes divers, tout ça pour arriver dans notre dernière île visitée - Bohol où nous passerons 3 nuits.
Tout d'abord, si nous nous sommes levées aussi tôt, c'est parce que Anne a proposé à Sylvie de retourner voir les requins-baleines ; celle-ci était tellement déçue de sa première expérience que Anne avait mal au cœur pour elle. Nous sommes donc reparties là-bas (2h aller-retour) en partant aux aurores dans l'espoir de passer parmi les premières. Mais voilà ; nous nous sommes fait doubler tout au long de la route par plein de vans conduits par des fous du volant, remplis de touristes allant au même endroit pour faire la même chose. Bien que Sylvie se soit mise à adopter les comportements routiers locaux - rouler aussi vite qu'elle l'ose (soit 60 à 80 à l'heure 🙂, doubler sur une ligne continue, voir dans un tournant, ne jamais laisser la place, ... ) ils sont arrivés bien avant nous. Le samedi et le dimanche, c'est la cohue. Conséquence, après avoir payé et après qu'un numéro nous soit attribué, nous en avions pour plus d'une heure trente d'attente. Et ça, c'était impossible avec la suite du planning. Pendant que Sylvie se résignait à abandonner, Anne a décidé de tenter de se faire rembourser. Renvoyée de personne en personne, elle arrive à une dame à qui elle explique qu'elle a un ferry à prendre après et qu'elle ne peut vraiment pas attendre tout ce temps. La dame lui demande "quel âge avez-vous ? " "55 ans" répond Anne "et votre amie ? " "56" puis, en regardant Anne d'un air complice dit à Anne "non, vous avez 60 ans. Suivez moi". Au passage nous récupérons Sylvie, la dame nous fait prendre l'inévitable gilet de sauvetage, nous doublons tout le monde, partons jusqu'à un bateau où nous montons tout de suite. Anne est très fière d'avoir réussi un coup pareil, même sans le vouloir. Cette fois ci, tout se passe à merveille ; le masque de Sylvie ne fuit pas, son appareil photo marche, les requins-baleines sont là. Le retour se fait plus rapidement, ce qui fait quand même 45 mn de route.
Arrivée à notre pension nous petit-déjeunons (là aussi Anne a pris sur elle pour tenir jusque là), nous plions bagage, payons, nous congratulons avec la patronne, partons. Il est 10h, nous ne sommes pas à la bourre, mais presque. A force de parcourir la route côtière, nous finissons par reconnaître plein de trucs ; nous roulons presque en habituées. Ça bouchonne dans les villes, ça va plus vite entre 2. C'est samedi ; tout le monde est dehors. Nous croisons fugacement des enfants jouant dans ces salles de basket couvertes aux murs absents que nous croisons un peu partout. Fréquemment, nous doublons des tricycles portant des tasseaux de bois qui débordent plus que largement des véhicules ; ici aussi c'est bricolage pour Monsieur le week-end. Après un long trajet dans ces conditions, Sylvie - déjà très concentrée - doit redoubler de vigilance car nous approchons sensiblement de Cebu city et de longs embouteillages commencent. C'est la folie. Là où il y a normalement deux voies, une troisième se crée côté trottoir ou circulent en vrac les minibus, les tricycles, les voitures qui ont la chance d'être étroites. De partout déboulent les motos. Nous nous battons centimètre par centimètre avec d'énormes bus souvent vert prairie - ce qui fait que nous les voyons arriver de loin -, des minis vans et des grosses voitures de chauffeurs rompus à cette conduite de folie et qui ne nous laisseraient passer pour rien au monde. Nous craignons chaque carrefour oú des camions, dégueulant de mille choses, peuvent apparaître pour forcer le passage en travers. Il n'y a aucun agent pour réguler cela. Changer de voie est un sport presqu'impossible. Quand nous arrivons enfin à l'aéroport, après un bon 3h30 de route, nous n'avons que nos souvenirs pour retrouver le parking défoncé et boueux où nous devons rendre le véhicule. Personne n'est là pour le réceptionner. Anne alpague une femme qui accompagne un homme car elle reconnaît dans les mains de celle-ci le document type qui permet de faire le check-up d'un véhicule de location. Celle-ci est bien de la compagnie attendue, mais dit à Anne qu'elle s'occupe du monsieur en question et lui dit d'aller trouver sa collègue. Anne laisse donc là Sylvie en charge de gérer les bagages et part à la recherche de la collègue en question. Aidée par d'autres voyageurs qu'elle interroge, Anne se retrouve miraculeusement au bon endroit mais il n'y a personne. Un employé d'une autre compagnie - ils se partagent tous le même guichet et comme ils gèrent tous plusieurs compagnies, ils ne portent pas de signes distinctifs, à part un badge portant une vague attestation de leur état - tente de joindre quelqu'un pour Anne tout en réglant ses propres urgences. Le temps passe. Anne s'exaspère. Quand enfin la femme croisée sur le parking revient, Anne la choppe et lui signifie son désappointement devant tant de désorganisation ; elle râle quoi. La femme ne veut pas se charger de la réception de notre véhicule ; elle, c'est de la remise dont elle se charge. Anne n'y tient plus et proteste en spécifiant que nous avons un ferry à prendre et que cette blague dure depuis trop longtemps. Bien entendu, la pauvre fille est dépassée par les événements. Anne, brandissant ses papiers de référence, arrive à la contrainte à la suivre jusqu'à la voiture. Tout en la suivant, la jeune femme arrive à joindre par téléphone sa collègue en lui déversant vivement tout son désarroi. Bref, Ça continue sur ce registre pendant une bonne demi-heure mais finalement nous obtenons gain de cause. Mais voilà, nous sommes réellement en retard pour notre ferry. Heureusement, pendant ce temps, Sylvie a réussi à dégoter un de ces minis vans conduits par un de ces chauffeurs que nous vilipendions il y a peu de temps et a fait charger les bagages dans son splendide engin de compétition flambant neuf ou tout comme. Nous voilà parties pour une course effrénée dans une circulation toujours aussi folle. L'ennemi de tout à l'heure devient notre meilleur ami. Faisant sienne notre cause il s'amuse d'autant plus à braver les situations que Sylvie a chargé sur son Google Maps la destination. Elle lui dit pas à pas la distance qu'il reste et le temps que c'est censé prendre. Car vu l'état des choses, le trajet qui devrait durer 1/4 d'heure est annoncé à 45 mn voir 1h. Pendant que Anne essaie de se détendre, voilà que Sylvie et le chauffeur, galvanisé, s'amuse comme un ado sur une Nintendo. Nous sommes arrivées à temps. C'est de l'ordre de l'improbable. L'enregistrement se passe vite. Pour cause, nous sommes parmi les dernières. Anne a même le temps, pendant que Sylvie attend dans la file, d'aller leur acheter des minis wraps, que nous mangeons frénétiquement , plus parce que nous sommes encore dans la tension des instants passés que par faim. Anne en met partout (t-shirt, jupe, valise, sol). Un immense bonhomme lui tend promptement un tas de serviettes en papier avant même qu'elle n'ait saisi l'ampleur du désastre. Décidément, nous avons de la chance aujourd'hui de trouver des chevaliers servant juste quand il le faut. Puis Anne repart à la recherche cette fois-ci d'eau fraîche. Grâce au ciel (selon l'expression consacrée) le ferry est en retard. Quelle chance nous avons ! Anne se trouve même un jus de canne fraîchement pressée. Puis va finalement chercher des sous à un ATM tout près de là. Tout ce que nous voulions faire avant de partir est fait ! Anne se dit que ce serait bien le moment d'acheter un billet de jeux ; ce serait un jour à gagner le gros lot.
Puis nous embarquons. Rompues mais très satisfaites, nous nous affalons dans nos sièges confortables pour une fois, car Sylvie a eu la riche idée de prendre des places en business classe, ce qui aux Philippines n'est vraiment pas cher. Nous arrivons, 2h plus tard, en nous sentant sales mais détendues. Un taxi nous attend pour nous conduire enfin à l'hôtel dans les dernières lueurs du jour. Les maisons, éclairées de l'intérieur, nous donnent un dernier terrain d'observation pour cette éreintante journée. Manger, se laver, dormir ; enfin.