Papillonnage photographique de pays en pays… Sylvie voit très bien où elle veut aller…. Anne tant bien que mal tente de la suivre. En tous cas elles y vont, 2 ou 3 fois par an, mais veulent en parler plus souvent que ça…
Carnet de voyage

Couleurs de Sicile

10 étapes
2 commentaires
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Malgré le coup de botte que l'Italie lui donne, la Sicile résiste et cela vaut bien une petite visite. Et quelle visite !!! sans touristes et sans file d'attente. Merci le covid
Du 3 au 13 juillet 2020
11 jours
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La piste est vide comme l'aéroport 

Après des préparatifs sans problème - enfin pour Anne vu que le gros de son travail c'est la gestion de l'intendance pour les chats - nous prenons à deux une navette prévue pour 6 à destination de Bruxelles, aéroport. Et là, les pieds appuyés sur le siège devant elle (déchaussés ; elle a de l'éducation), Anne ne comprend pas pourquoi Sylvie n'a pas opté pour que celle-ci nous dépose directement à Palerme. Mais nous n'avons pas à nous plaindre. La concentration de voyageur dans l'aéroport en ce vendredi 3 juillet 2020 est digne de celle d'un jour de blizzard sur un vol intérieur en Alaska... ce qu'on en peut imaginer... ou d'un dimanche à 1h du matin, bref personne. Au guichet, grâce à ses chaussures orthopédiques de la mort et à son air désespéré, Anne nous fait royalement griller la longue file de passagers ; les compagnies optimisent en ces temps de disette commerciale. Même genre de cirque aux contrôles. Sylvie finit même par porter le sac de Anne en plus du sien tant Anne fait pitié (c'est dire !). Et c'est un beau sacrifice vu qu'il y a long de couloir pour atteindre la porte 53A et que les trottoirs roulants ont été stoppés, sans doute par économie. Parti comme c'est on sera 20 à tout casser dans l'avion en comptant le personnel de bord. En attendant l'embarquement, on mange des œufs durs. Ça put un peu les œufs durs. Une coquille résiste un peut. "T'es sûr qu'il est cuit ?" Du palpitant quoi. C'est un départ. Plus tard ce sera mieux. Promis.

En fait, grosse désillusion, l'avion est plein. On est serrés collés. Avec les masques on étouffe. Voilà deux heures qui s'annoncent pénibles. "Tu préfèrerais pas qu'on fasse un road-trip la prochaine fois ?... en partant de Villeneuve d'Ascq je veux dire..."

Vue de la chambre ...

Mignon petit hôtel avec cour intérieure magique en plein centre historique de Palerme.

Casa Nostra Boutique Hotel

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La cathédrale de Palerme 

On ne va pas se le cacher, il fait chaud. La chambre est belle mais même avec la clim à fond, ce matin, le thermomètre affiche 25°. Dehors, bien sur, c'est plus mais là, Anne ne veut même plus savoir combien il fait au risque de perdre toute l'énergie qu'elle n'a même pas encore eu le temps de rassembler. Nous faisons un petit tour dans Palerme pour prendre - en voiture - le pouls des rues hyper-étroites où on se fait klaxonner à tout bout de champ et voir la cathédrale sous le soleil plutôt que sous la lune.

 Teatro Massimo Vittorio Emanuele
Palerme 
Prendre des photos d'un Touk-touk 

Nous prenons la route pour Castelbuono. Sylvie, pas encore en phase avec le comportement routier local, prend le rythme "piano", ce qui ne l'empêche pas de tenter de griller la priorité à une voiture bien rouge et bien décidée à passer "mais j'lai pas vu j'te dis ! C'est pas la peine de crier !!" "Bein un peu quand même !!!" Dit Anne (en substance mais avec plus de mots) car, bêtement, elle tient à la vie malgré tout. La route est souvent belle mais inphotographiable (véhicules, barrières de protection, ...). On voit plus haut sur les crêtes les maisons des villages qui s'accrochent en rangs serrés. Anne pense à haute voix qu'il faudrait acquérir un drone ; ces vues sont tellement inaccessibles à leur appareil photo !!... Sylvie ne répond même pas à cette pure spéculation irréaliste du genre de celles dont Anne l'abreuve sans cesse. Arrivées à Castelbuono, il n'y a personne ; on se croirait en fin de saison, d'autant plus que le temps s’est couvert. Nous déambulons, Sylvie franchement devant, Anne mesurant ses pas à l'arrière, le nez en l'air. De la vieille pierre jaune/beige un peu sale, des rues qui démarrent sous des arches en se tortillant, un château aux allures de forteresse, ... Les quelques restaurants ouverts ont tous de la place. nous faisons notre choix. Notre table, installée dans une minuscule impasse, à l'ombre, sous un filet d'air, nous offre un repos de choix. Il y a juste assez de monde pour que nous ne nous sentions pas trop seules.

 Castelbuono - le chateau et l'église
 Castelbuono

Quand on repart nous prenons une petite route côtière qui, gentiment, nous amène à notre hôtel du jour. Il est bientôt 15h30, la chambre s'avère être un petit appartement avec terrasse. Il est très lumineux et surplombe la mer. Tout en bas d'une belle quantité de marches, la petite plage privative de l'hôtel nous appelle. Donc on y va. C'est plein de cailloux tout visqueux. Et malgré quelques sacs de sable posés au ras de l'eau, en quinconce, on tangue, on se rattrape l'une à l'autre puis on tombe dans l'eau froide. Mais c'est quand même un bonheur. "Putain ! Elle est salée !" C'est qu'à force de fréquenter les piscines et les lacs, nous n'avons plus l'habitude ! En fait c'est se payer la gueule du monde de dire ça parce qu’en début d'année, juste avant de se confiner, on faisait la planche dans la mer des Caraïbes. Alors hein !!!

 Notre hotel, le blue Bay,  donnant sur la mer

De retour à la chambre, quand enfin nous arrivons à faire marcher la clim et qu'enfin ça rafraîchit que Sylvie clame en se levant pleine d'entrain "aller !!" "Quoi aller ? Où tu veux aller ?" "Faire un petit tour à Cefalú city tiens !!". Anne, poussant sa fatigue en avant avec toute sa désillusion à l'intérieur, se lève et bouge. Sylvie est déjà en haut à discuter avec le patron qu'elle commence à peine à gravir les marches. Sylvie semble avoir posé les questions et réglé l'affaire alors Anne ne s'en fait pas. Mais en fait c'est le bordel. Anne essaie de prendre les choses en main et voilà qu'elle nous envoie tout droit dans les vieilles rues impraticables pleines de touristes et interdites à la circulation. Sylvie l’a maudite. Mais si Anne ressent un franc coup de stress elle ne se sent pas fautive ! Ha bein non alors ! Elle s'y refuse ! Puis finalement on en sort et on trouve un parking presque tout près. A peine 800 mètres de la cathédrale... Bon. C'est un peu en pente. Même que ça grimpe franchement. On fatigue en fait. C'est que Anne, même si elle est à propulsion de bâtons de marche se traîne et Sylvie elle aime pas ça de ne pas marcher à son rythme. ça tue son énergie. "Mais part devant je te dis ! Démerde toi juste à ce que je ne te perde pas !" Lui dit Anne du bas de la ruelle. Elle me fait chier avec ses cathédrales dans lesquelles elle ne veut même pas entrer ! Pense Anne. Elle se remet en route et se concentre sur cette aberration qui la poursuit depuis un certain temps ; ses pieds aiment bien les montées mais pas son cœur. Celui-ci adore les descentes mais ses pieds les détestent. Mais qu'elle se rassure ; Sylvie aussi est sur les rotules. "Aller ! On mange là !" Dit Sylvie. On manipule un peu le serveur pour qu'il nous donne une table en bonne place pour voir le coucher de soleil et profiter de la brise marine. Virgin-Mojito, tortellinis à la crème et au jambon pour l'une, salade de poulpe aux légumes pour l'autre, vive l'Italie où on mange si bien !

 Cefalu
Cefalu ville 
Coucher de soleil sur la plage de Cefalu 
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Les tunnels et les ponts aériens siciliens 

Le ciel charrie de gros moutons qui laissent cependant de grands espaces pour laisser passer le soleil. La mer est calme. C'est un très bon jour pour prendre le bateau... sauf que Sylvie se casse les dents à essayer de nous réserver une balade sur l'eau ; par manque de réservation, les compagnies annulent les unes après les autres. Cependant, son naturel optimiste nous précipite hors de la chambre selon un timing qui fait comme si. Sur la route le ciel s'assombrit. Puis quelques gouttes tombent. Puis, soudainement, c'est le déluge. À 60 à l'heure on y voit rien. La voiture fait jaillir des geysers d'eau des flaques que l'on devine à peine. Sylvie qui a horreur des tunnels et qui protestait d'en voir tant, leur trouve à présent un intérêt majeur ; ils ponctuent notre route de quelques secondes de répit. Puis nous arrivons à Milazzo où le ciel vient à peine de se dégager. Le temps de gérer notre installation dans notre nouvelle chambre, de traverser le carrefour, et nous voilà sous le soleil en possession de billets pour l'île de Vulcano ; ce n'est pas la croisière touristique espérée, mais selon les critères de Sylvie le contrat est rempli. Anne a arrêté depuis longtemps d'essayer de comprendre le phénomène qui ne se dément presque jamais ; Sylvie veut, Sylvie a.

Le ferry nous attends dans le port de Milazzo

Nous voilà donc parties pour 1h de navigation sur un de ces rapides qui souvent donne la nausée à Anne. En attendant que cela advienne, Anne se régale de sa lecture du moment. Juste avant de partir, les événements ont mis sur sa route un livre dont elle connaissait l'existence mais qu'elle n'avait jamais eu l'idée de lire ; "tristes tropiques" de Claude Lévi-Strauss. Et ça commence fort [Je hais les voyages et les explorateurs.] [Eh quoi ? Faut-il narrer par le menu tant de détails insipides, d’événements insignifiants ?] C'est bien hein ? et la : ... [un si pauvre souvenir mérite-t-il que je lève la plume pour le fixer ?]. Anne en reste toute émue ; C L-S lui offre cette première prise de conscience que le déplaisir de l'un fait le plaisir de l'autre. Sans vouloir comparer une petite balade en Sicile avec l'exploration risquée du fin fond de l'Amazonie par un anthropologue dans les années 50, Anne trouve un frère en lui. Cependant, Anne n'a qu'un seul public à satisfaire ; Sylvie (désolée), qui elle vous a VOUS. Voilà donc un compagnon de voyage bien plus intéressant pour Anne qu'Amélie Nothomb dont-elle vient de claquer la dernière page de son livre avec agacement... En même temps, un truc agaçant, c'est déjà quelque chose ; ça donne plein de raisons d'argumenter. Bon. Le bateau accoste. Reprenons le cours normal des choses. "Ça put l’œuf hein ?" "C'est volcanique ; ça sent le souffre !!, on va s'y faire !".

Santi notre guide 

Après s'être restauré (non ! pas d'omelette, ni d’œuf mimosa !) nous louons les services de "Santi" qui nous balade tout autour de l'île en nous racontant le passé et le présent volcanique de celle-ci ainsi que de ses sœurs. On fait comme si on allait tout retenir. Si si ! Ça nous plaît ! Même que pour une fois le guide parle français. Mais y'a trop d'infos pour nos cervelles en vacances. Il y a 4 cratères sur cette petite île, chacun à un stade différent. Chacune de nous retient ce qui lui importe ; Sylvie les noms, Anne la logique géologique. L'heure et demie passe incroyablement vite. Le retour en bateau est galère ; le personnel entasse un nombre aberrant de passagers en dépit des consignes de sécurité quel qu'elles soient. Anne joue de son état pour avoir une place handicapée et se retrouve assise dans un siège bien trop étroit pour elle. Un peu plus loin, Sylvie joue des coudes pour ne pas se retrouver debout au contraire de quelques autres. Nous retrouvons dans cet événement ce que nous connaissons des italiens, à savoir cette capacité qu'ils ont de s'accommoder de la situation en aillant l'air de trouver cela parfaitement normal. Ça passe mais Anne en ressort totalement exaspérée et rend irréalisable l'envie de Sylvie de pousser sur la côte jusqu'à une plage pour s'y baigner tant Anne rechigne à risquer à nouveau la promiscuité. Une bonne douche un peu fraîche fait un peu retomber son ressenti.

 Vue sur les iles éoliennes depuis Volcano : Lipari, Salina, Stromboli, Panarea, Filicudi, Alicudi.
 Porto di levante et le grand cratère
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Taormine

Aller c'est maintenant ! Nous sommes arrimées l'une à l'autre, en haut de la petite crête de gravillons secs, juste avant ceux que les vagues mouillent. Premier pied dans l'eau. "Mais c'est froid !!!" Comme on ne pouvait pas l'imaginer nous qui, crânement, nous sommes plus souvent baignées dans l'eau tiède voire chaude des Caraïbes ou des Philippines. C'est un choc. Ne tenant que laborieusement sur les galets agressifs, nous sommes bien obligées de nous laisser tomber dans l'eau. "On se croirait dans la mer de chez nous !" "Mais non ! C'est mieux chez nous ! C'est du sable ! et tu as des kilomètres pour t'habituer à la température de l'eau. Même que comme il fait moins chaud, elle te paraît moins froide que celle-là ! Non. Franchement, à part sa couleur, je ne vois pas l'intérêt". Que de mauvaise foi quand même. "C'est ici que le grand bleu a été tourné je te signale ! " "grand bien lui face !". Irrécupérable. Pas la peine de vous dire qui dit quoi ; vous devinez bien. Nous ne sommes pas arrivées tout schuss dans cette situation somme toute ordinaire. Avant, on a essayé d'aller se baigner sur la plage de Giardini Naxos. Mais Anne trouvait les galets trop nombreux, les plages minablement petites et de toute façon nous n'avons pas trouvé une seule place de parking.

 Baie de Giardini Naxos et le château de Milazzo

Nous sommes donc allées à Taormina où nous louons une jolie chambre avec la douche en plein milieu. C'est perché tout là-haut. Les routes pour y aller ressemblent à des toboggans géants à vous donner le vertige. On y mange, on s'y balade. Sylvie est un peu déçue. Mais c'est comme ça les lieux réputés ; si on s'inquiète de ce qu'on en dit on a toutes les chances de s'en faire une idée. C'est là que s'installe le décalage avec la réalité. Anne, elle, elle n'est pas déçue... ni emballée d'ailleurs. Elle aime bien l'agencement des rues, l'imbrication des immeubles. Elle ne s'étonne plus que les Italiens soient un peuple de la proximité. On dit que c'est le soleil qui fait ça. Sylvie croit que c'est plutôt la géographie qui en est la cause... ou les deux... nous goûtons tous les jours le plaisir que les lieux soient vivants mais pas dégueulant de monde. Après cette balade nous n'avons pas résisté à une sieste. Et c'est un bien parce que, l'une comme l'autre, à cause de la chaleur et de la fatigue qui va avec, nous étions bien irritables. La dispute grondait. Alors que là, douchées et reposées, l'humeur est tout de suite plus sereine. C'est là que nous sommes allées à la plage. Mais ça vous le savez déjà.

 Taormine

Pour finir, nous avons décidé de monter jusqu'à Castemola parce qu’un des guides-papier que Sylvie ne peut pas s'empêcher d'acquérir lui à promis une vue incroyable sur les environs. Ça disait un truc du genre [s'il y a bien un truc à ne pas manquer...] alors vous imaginez Sylvie résister à ça ! Elle va encore être déçue, se dit Anne. Pendant que Sylvie s'enquille les éprouvants lacets qui mènent au "saint Graal", Anne se passionne pour un cycliste qui peine sur la pente... Elle le trouve bien courageux de s'infliger pareilles souffrances... elle qui enclenche déjà l'assistance électrique de son tricycle pour passer un dos d'âne..., puis un autre apparaît ! Il ressemble tellement au premier qu'elle croit brièvement que c'est le même. "Mais !... il est passé par où ? ... nnnananan !!! c'est pas possible ! ... puis très vite en apparaît encore un... "c'est bizarre ; ils ont tous le même maillot... ils doivent être ensembles je crois... " "quand même ! Ils sont loin les uns des autres" dit-elle en pensant "putain, pour des potes, y sont pas sympas de ne pas s'attendre quand même. Sylvie très concentrée, qui en a rien à faire mais qui s’est fait engueuler plusieurs fois aujourd'hui parce qu’elle laissait Anne parler dans le désert, répond sans trop s'impliquer "ils vont chacun à leur rythme... c'est ça qui on appelle une course... c'est comme ça que ça se passe en général..." Ça a le mérite de rendre Anne silencieuse sauf qu'elle se met à photographier les coureurs que nous ne cessons de doubler au lieu de s'intéresser au paysage. Nous finissons par atterrir sur une place à l'entrée du village pleine de participants arrivés à bon port. Nous n'avons pas le droit d'être là, la route étant barrée pour l'arrivée de la course. Mais Sylvie n'en faisant qu'à sa tête... et pourquoi on l'empêcherait d'aller la haut ? Comprenant l'intention de Sylvie Anne lui signale "on va encore se foutre dans la merde"."Prépare toi à montrer tes chaussures orthopédiques" lache Sylvie. Qu'est-ce que vous voulez que Anne réponde à ça...

 Route qui monte à Castelmola
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La route fleurie de l' Etna 

A 8h nous sommes dans la voiture. C'est 1h30 plus tôt que ce que nous avions prévu. En un rien de temps nous sommes sur la route de l'Etna. Elle est magnifique, toute fleurie. Chaque lacet nous offre une vue rendue unique par les innombrables reliefs qui, progressivement, se découvrent de leur végétation nous révélant un enchevêtrement de formes noires, figées, rompues, .... nous laissant imaginer sans difficulté le mouvement qui les ont animées et formées. Nous visitons d'anciens petits cratères devenus inactifs et très accessibles. Le cratère principal est actif en ce moment. Son périmètre immédiat est interdit à la randonnée. Fortes de cet argument, nous renonçons à prendre le téléphérique qui nous mènerait un peu plus haut et ça tombe bien, ni l'une ni l'autre ne sommes d'humeur à forcer notre naturel. Nous partons alors pour Catania.

Au milieu du cratère
 Les paysages volcaniques sont déserts

Comme un peu partout, il n'y a pas foule mais l'ambiance est plaisante. Un petit tour dans les rues nous fait déboucher par inadvertance dans un marché de poissons et de viandes. L'odeur douceâtre qui s'en dégage, la vue de grappes d'intestins et autres merveilles fait limite tourner de l'oeil à Sylvie. Malgré tout, nous avons faim. Sylvie a repéré une "pasticeria" dont les produits et la terrasse nous conviennent. Depuis le début du séjour la température nous coupe vite l'appétit. Aussi faisons nous très attention dans nos choix pour être en état de goûter une pâtisserie Sicilienne. Le personnel ne croule pas sous le travail. Pour notre immense confort il a le temps et l'envie d'être charmant. Nous avons parfaitement conscience que nous ne retrouverons jamais des conditions pareilles si nous revenons.

 Les rues désertes de Catane

Mais nous approchons des limites de tolérance de Anne en termes météorologiques ; son système de refroidissement n'est pas adapté aux conditions locales... ni celles des Philippines... ni du Guatemala, de la forêt équatorienne, du Botswana ou de l'Égypte ... alors pourquoi Sylvie s'obstine t-elle a faire des tests d'immersion de Anne dans toutes les ambiances chaudes de la planète ? Que cherche t'elle au juste ? Sans vouloir dévaloriser l'esprit prospectif de Sylvie, il devient urgent de trouver de l'eau pour immerger Anne... et la badigeonner de crème solaire car elle ne résiste pas non plus à une exposition prolongée au soleil. Décidément, Sylvie n'est pas femme à céder à la facilité. Celle-ci décide donc de prendre la direction de "Fontana Biancha", petite cité balnéaire sans caractère, dans laquelle nous avons pris un hôtel très propre sur lui pour les deux nuits à venir. Il a un accès facile à la mer et à sa piscine. Alors on va à la piscine, puis à la mer.

La réserve Del Plemmirio 

En vrai, la fin de journée n'est pas passionnante. Sylvie espère d'une réserve naturelle une envolée de flamants roses. Nous ne récoltons que l'ambiance désolée mais tranquille d'un lieu peu fréquenté encore un peu chaud sous le soleil rasant d'une fin d'après-midi. La soi-disante réserve Del Plemmirio est en fait un ancien site industriel où subsiste un étrange bâtiment en ruine surmonté d'une tour. Un chemin de bitume amène tout droit sur celui-ci. Tout autour quelques hectares laissés aux herbes folles ont fini par constituer une espèce de lande où plein de petites choses genre lézards, insectes trouvent refuges. Au-delà du bâtiment une barrière de roches blanches tombent dans la mer. En marchant au milieu de cela on entend piailler des passereaux, roucouler des pigeons ramiers et l'on voit plein d'hirondelles voler en expertes du rase motte sur les plantes à la chasse aux insectes. Nous constatons que quand il n'y a rien à voir on se concentre sur tout, histoire de pouvoir dire que c'était pas si mal que ça. Rentrées à l'hôtel où nous mangeons entourées de tables vides au bord de la piscine, toute l'attention de la serveuse et des moustiques se focalise sur nous. Il est 21h, la journée a été longue et plaisante. Extinction des feux.

Réserve naturelle Del Plemmirio 
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Syracuse, pas plus que Pondichery, Rio ou Valpareso... à ! si ! SAUF Valpareso, n'ont été les bonnes surprises attendues. C'est exactement comme nous disions tantôt ; mieux vaut n'avoir rêvé sur aucune chanson, aucun livre si l'on veut préserver la découverte qui nous appartient. Poussons la logique un peu plus loin. Si nous vous exprimons nos engouements ou nos déplaisirs nous vous ôtons toutes chances de découverte... alors on vous dit plus rien ? on ne vous envoie plus aucune photo ? Ça va pas ça ! On a trop envie de vous dire et vous montrer !

Vue du port  de la presqu'ile d'Ortygie

C'est vrai que nous avons été déçues... dans un premier temps. Ayant mal renseigné le GPS, nous sommes arrivées par la ville nouvelle. C'était grouillant d'activité, embouteillé, bruyant, très critiquable architecturalement parlant. Puis on s’est dit que ça n'était pas possible, qu'il devait y avoir autre chose à voir. Après nous être un peu chamaillées sur la façon de s'y prendre - pas trop parce qu'avec la chaleur d'aujourd'hui, nous n'avons pas d'énergie à gaspiller - nous trouvons les abords de la vieille ville qui se trouve bien au bout, à plusieurs kilomètres de là, sur la presqu'île d'Ortygie. Nous avons facilement trouvé une place de parking quasi collée à la porta Marina et ça c'est déjà magique.

La Fontaine d'Aréthuse 

Des rues étroites et ombragées nous ont agréablement guidés jusqu'à la Plaza du Duomo. Cossardes, nous n'entrons pas dans les bâtiments mais nos yeux ont déjà bien à faire avec les façades. Et puis ce calme ! Cette sérénité ! Nous ne sommes pas faite pour la foule tout compte fait. Nos pas nous ont portés jusqu'au bord de l'eau. Il fait si chaud ! La belle couleur de l'eau, les baigneurs qui y lézardent nous donnent une féroce envie d'en faire autant. Vite on rentre à l'hôtel ! On s'équipe et aussi vite que nous en sommes capables - c'est à dire lentement - nous nous précipitons à la plage. Le temps de jeter sur le sable nos affaires et nous voilà dans l'eau, flottantes, rafraichies, heureuses !

Syracuse - presqu'ile d'Ortygie

Sur la fin de journée, comme prévu par Sylvie, notre tour-opérator, nous partons pour visiter l'autre réserve ornithologique Orientata Oasi Faunistica di Vendicari, où elle espère toujours voir des flamants roses. Après la première expérience Anne ne s'attend pas à grand-chose de palpitant. La balade, en tout cas, n'est pas déplaisante.

réserve ornithologique Orientata Oasi Faunistica di Vendicari 

Cependant, les zones annoncées comme des plans d'eau sur la carte sont presque toutes asséchées à cette saison et celles qui restent en eau sont assez loin. De plus, c'est connu tout de même se dit Anne, c'est tôt le matin ou à la toute fin de journée que les oiseaux se montrent. Et puis il y a pas mal de gens, tous là pour la plage et non pour les oiseaux. Ils ne font pas silence comme les quelques rares panneaux le demandent. Dans le fond, il y avait plus d'oiseaux dans le no-man’s land visité hier. Et - ho comme c'est étrange !?! - là aussi il y a une usine en ruine. Bon. Anne renonce et laisse Sylvie prospecter seule. Elle retourne à la voiture en se fixant comme objectif de marcher le plus énergiquement possible que lui permettent ses pieds rebelles. Et elle est fière ! Pour une fois, la famille qui est derrière elle avec une poussette et qui remonte nonchalamment le chemin ne la rattrape pas !!

réserve ornithologique Orientata Oasi Faunistica di Vendicari  

Arrivée à bon port, elle s'installe sur un muret, décidée à déguster l'eau pétillante bien fraîche qu'elle vient d'acheter. Mais voilà que déjà Sylvie apparaît. "Mais t'as droppé dis donc !!" "Bien pas tant que ça puisque te v'la !". Sylvie ne relève pas la petite déception de Anne qui ne porte pas, notons le, sur la présence de Sylvie mais bien sûr le peu d'écart que son sprint a creusé entre elles deux. Sylvie, elle, elle est toute guillerette. "Tu le croiras pas !" Dit-elle à Anne. "J'étais en train de viser le seul Huitrier-pie du secteur visible assez loin quand un oiseau est venu faire le beau juste devant moi !" "Ha ouais !?!?" Réponds Anne, bon public. "Je sais pas s'que c'était ; j'y voyais pas bien à cause du soleil ! Mais tu penses bien que j'ai mitraillé !" "Ha bien j'comprends ça ! ". Mais il faut attendre que l'on soit rentré pour voir quel oiseau c'est exactement. Voilà donc, 30 ou 40 minutes plus tard, nous nous penchons sur la tablette pour voir en grand le résultat de la pêche miraculeuse de Sylvie. Et là, apparaît, royal, un pigeon qui prend la pose ! "Ha tu veux de la vedette ? " semble t-il dire. Et que je te met ma patte comme ci et que je te regarde comme ça, HEP ! ATTEND ! ET CE PROFIL LA TU PRÉFÈRES PAS ? Aller, je t'offre mon plus beau regard caméra ! ... ça se voit, promis, que le piaf il était tout content d'avoir son quart d'heure de gloire. En voilà un, en tout cas, que Sylvie n'oubliera pas de sitôt.

 Le fameux pigeon
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 La Scala dei Turchi

Nous disons au revoir à ce petit hôtel - le Villamar - qui, il faut le dire, nous a finalement beaucoup plus Nous y étions comme des reines. C'était pas gagné tant la chambre de celui d'avant, à l'hôtel Médusa, nous avait séduites avec sa douche en plein milieu et malgré tous ses épuisants escaliers. Mais deux nuits, c'est bien. Déjà Sylvie ce matin, tel le lapin blanc dans "Sacré Graal" des Monty Python, voulait sauter à la gorge de la jeune femme qui servait le petit-déjeuner. Inutile d'entrer dans les détails. Juste, deux jours, c'est bien assez. Nous parcourons donc les trois heures de route qui nous séparent de la vallée des temples. Cela aurait dû en être deux mais des travaux non signalés en amont nous ont bien ajouté 60 km.

  La Scala dei Turchi

Nous mangeons tous prêts de "La Scala dei Turchi" ; des falaises très très blanches aux formes arrondies donnant sur la mer et qui nous donnent l'impression d'être tout juste blanchies à la chaux. C'est beau et ça contraste avec le bleu si intense de l'eau. A part cela, l'architecture croisée dans le secteur est essentiellement constituée d'immeubles d'habitation sans charme, jaune pisseux et entouré de ponts en construction et autres chantiers. Cela nous donne l'impression de circuler dans une banlieue déserte et délaissée. Le chemin qui mène à l'hôtel est en parfaite adéquation avec tout cela. Il démarre brusquement au détour d'une rue. Il ressemble à un sentier oublié derrière des tours d'habitations. Il est à peine carrossable ; "il nous manquait une petite étape genre treck sur ce voyage !" Dit Anne à Sylvie qui acquiesce pleinement. L'hôtel fait l'exploit d'être loin de tout, tout en étant toujours visible de la "zone" que nous venons de quitter. L'hôtel est pas mal, si si... mais Sylvie est un peu déçue et Anne un peu décontenancée.

Temple de la concorde 

Nous attendons 17h pour rejoindre la vallée des temples, histoire qu'il ne fasse pas trop chaud. Nous nous organisons pour ne pas avoir à faire l'aller-retour à pied et que notre balade se fasse en pente descendante. Cela nous prend deux heures, tranquillement, en se reposant à l'ombre d'un cactus, d'un amandier ou d'un olivier. Les ruines sont bien mises en valeur et, comme de juste, il n'y a pas trop de monde. Faut être honnête ; nous ne sommes pas des fans absolues des trucs gréco-romain, ni des duomo. Mais ça donne un but et c'est cadeau quand on tombe sur des choses de valeur comme ici. Malgré cela nous arrivons vannées. Nos pieds, mécontents, nous insultent. Le dos de Sylvie essaie de remplir une piscine olympique. Nous les prenons de haut et décidons d'aller féliciter nos efforts dans un restaurant de la côte. Installées à une table face à la mer, sous une véranda où une brise légère nous caresse. Il a bien fait notre B&B de ne pas avoir de restaurant. Mais il faut qu'on se dépêche ; la nuit tombe assez vite ici et le bout de route en terre tout cabossé qui même au lit que nous appelons de tous nos membres, de nos épaules, de notre dos n'est pas très praticable. D'ailleurs Anne frissonne de voir Sylvie ne rien y voir dans cette pénombre. Mais nous arrivons à bon port. Douche, clim à fond, bisous, dodo.

 Vallée des temples
Vue du haut du haut de la colline de San Nicola 
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Le port de Sciacca 

Réveillées à 5h du matin le temps nous semble un peu long avant l'heure du petit-déjeuner - 8h30. Cela nous pousse à plier nos bagages et les ranger dans la voiture. C'était bien ici ; le jardin, charmant, la piscine entourée de verdure, la chambre au design contemporain - tout est noir et dépouillé - la vue qui nous épargne les immeubles de banlieue, ... c'est bien... mais nous avons l'une comme l'autre une grande envie d'être loin d'ici. Donc, vite, nous partons. Après quelques menus difficultés pour quitter ce secteur aux improbables routes, nous voilà embarquées pour une traversée d'1h30 jusqu'à Sciacca, la route la plus en travaux que nous ayons prise jusqu'à présent. Quel que soit le pays, la période estivale est celle des travaux semble t-il.

Sciacca, un petit air des Cinque terre 
La campagne sicilienne 

La campagne nous apparaît plutôt plaisante et plus en conformité avec ce que nous imaginions de la Sicile, c'est à dire plutôt sec. Nous faisons une halte dans le café du port de Sciacca, histoire de nous recharger en caféine. Le lieu n'accueille manifestement pas de touristes ni de femmes mais des marins et des artisans. Ça parle fort et nous nous demandons autant qu'eux ce que nous faisons là. En fait, pour être triviales, nous cherchons des toilettes. D'ailleurs Anne, pour le moment, est dans l'embarras ; elle vient de se délester de façon très décorative de ce qui était hier midi des spaghettis à l'encre de sèche et elle cherche désespérément la chasse d'eau... qui est cassée. Ha bein, fallait que se soit cette fois là tiens ! Ce dit-elle. Elle ne peut cependant pas laisser le lieu dans cet état ; il en va de l'honneur des femmes françaises. Mais, y'a pas, elle doit demander de l'aide... Mais elle n'ose pas sortir, d'autant plus que le toilette n'a ni lunette ni abattant. Ha si ! Il est posé là, à côté ! Elle récupère donc l'abattant et le pose sur le toilette. Elle ouvre la porte. PANIQUE ! Une femme d'un certain âge s'avance pour prendre son tour. Mais qu'est-ce qu'elle fait là celle-là ? Anne, qui porte un masque comme il se doit, exprime avec ses yeux, ses mains "non n'entrez pas !" Avec l'intensité de "il y a une bombe ! Sauvez-vous !". La femme recule et le barman, alerté par la pantomime de Anne, comprend ce qui se passe et clame en joignant le geste à la parole, "è sulla parete laterale !!!". Mais que Anne est contente que l'italien ait l'intelligence d'être une langue proche du français ! La suite se règle on ne peut plus facilement, ce qui aurait justifié de ne point le raconter. Mais cet instant de totale solitude qui se transforme brusquement en un rien tout à fait normal mérite qu'on s'y arrête, ne serait-ce que pour apprécier la chance que l'on a... parfois. Puis nous repartons pour deux heures de route. "Faut qu'on fasse de l'essence" dit Sylvie. Nous visons les "salines de Nubia". La route traverse des vallons entiers de champs et de vergers sans l'ombre d'une nature libre. Ça attriste Anne, pas Sylvie qui n'a aucun état d'âme sur ce genre de choses. Elle, ce qu'elle voit, c'est que depuis 1h qu'on roule y'a toujours pas de pompe à essence. Et Anne s'attriste sur la forêt primaire qu'il y a du avoir là, dehors, il y a très, très, très, longtemps en se racontant des histoires de "baron perché" qui n'aurait pas pu exister de nos jours. Le temps se passe, sans forêt et sans pompe à essence.

 Réserve naturelle des marais salants de Trapani et Paceco

Mais voilà que Sylvie est aux anges ; nous arrivons dans les salines et c'est encore plus beau que ce qu'elle imaginait. C'est calme, c'est vaste. L'eau est parfois rose. Des cristaux de sel bordent les côtés de chaque parcelle. Sur certaines de celles-ci des mouettes jouent les statues. Elle a même cru un moment que c'était des cailloux. Mais des cailloux sur une patte, elle avait des doutes. Après notre désormais traditionnelle sieste, nous voilà parties pour Erice.

 Vue de Trapani depuis Erice

C'est une ville, perchée - encore une - où aucune construction moderne n'a été tolérée. "Hé ! J'ai oublié de faire le plein et on est dans le rouge !" Clame Sylvie. Mais y'a pas de pompe là haut constate t-on. "Pas grave", dit Anne, "t'as bien 50 km devant toi encore". "Elle aime pas ça Sylvie. Ha ça non, elle aime pas ça". Recentrons. Erice. Donc. La plupart des bâtiments sont rénovés. Il y a peu de commerces, tous tournés vers le tourisme. Nous nous garons à la porte basse de la ville. Seul les résidents ont le droit de circuler à l'intérieur. La rue dans le prolongement est toute droite, bien pentue et pavée de cailloux aux arrêtes tranchantes, plantés très serrés et enserrés dans un large quadrillage de pavés très lisses. Sylvie, partie en avant peine à monter. Elle se retourne de temps en temps pour voir où Anne en est. "J'vais pas arrivé à redescendre !" Que celle-ci lui dit. Mais Sylvie n'a pas l'air d'entendre. Anne galère sur ces putains de cailloux qui, pour les petits, rendent instable son pas, et pour les plus gros sont glissants pour ses bâtons de marche. Peut-être qu'après cette rue on arrive à un plat... Elle ne va pas laisser Sylvie toute seule quand même... "J'vais pas arriver à redescendre !" Répète t-elle à une Sylvie arrivée plus haut, toute à son essoufflement. Nous arrivons à une pâtisserie. On y boit de l'eau, Anne mange un granité - pas Sylvie qui n'aime pas ça. Elle, elle mange des biscuits aux amandes... mais elle aime pas ça non plus. Nous repartons. "Mais c'est pas possible ! Ça monte encore et c'est pavé partout pareil !". Sylvie ça commence à la gonfler d'entendre Anne se plaindre. De toute façon, elle fait que ça se plaindre ; et mes pieds par-ci et mes chevilles par la ! HA MA TÊTE ! ! ET MON DOS ! !. Quand Anne lui dit qu'il va falloir trouver une solution parce qu'elle ne veut vraiment pas redescendre ça, elle n'y tiens plus. "Mais pourquoi tu l'as pas dit plus tôt ? ". Anne, interloquée "mais j'te l'dis dep... ho et puis merde. Puisque c'est chacun sa merde, continue ta balade moi je m'trouve ma solution." Sylvie continue de grimper en pensant "bein elle attendait en haut et je venais la chercher ! Il est où le problème ? ". L'art de tout compliquer celle-là, se dit Sylvie. Pendant ce temps, Anne se trouve une bonne âme locale qui accepte de la redescendre au parking. "Franchement, c'était pas sorcier ; elle abuse quand même... quand ça l'emmerde..." se dit Anne qui est plutôt contente d'elle. Puis Sylvie arrive et trouve Anne tranquillement assise sur un muret. "Bein t'as fait comment ?" "A quatre pattes bien sûr !". Après un petit échange d'expériences - un peu énergique il faut le dire - sur la beauté du paysage tout en haut et la gentillesse des italiens, nous repartons comme-si de rien était.

Erice et son chateau perché

Ha merde l'essence. Faut redescendre tout en bas pour en trouver. Sylvie se re-inquiète. Anne s'agace de cette inquiétude mal placée. Effectivement, sans anicroches, nous voilà 15mn plus tard à faire le plein. "Franchement, il est où le problème ?" Aurait pu être le mot du jour. La fin de journée ? et bie, elle se résume à : photos de coucher de soleil pour Sylvie, pâtes aux sardines pour Anne, pour Sylvie couscous au poisson... mais elle aime pas ça. Retouche photos, lecture texte, pipi, douches, dodo... le problème ? On verra ça demain. Mais, comme d'habitude, y'en aura pas.

Coucher de soleil sur les marais salants 
9


Cap sur les iles Egades 

Pas facile de choisir un hôtel sur photo. Celui-ci, comme prévu, a un cadre idyllique. Quand on entre dans le chambre, elle présente bien ; vaste, lumineuse, rafraîchie en prévision de notre arrivée, ... mais voilà ; le lit, s'il est assez grand, est aussi dur qu'une planche. La douche, apparemment de bonne taille, est affublée d'un bloc genre multi-jet d'eau. Celui-ci, fixé trop haut, vous loupe les lombaires mais surtout prend tellement de place que vous pouvez à peine bouger. C'est courbaturées de la nuit que nous émergeons, ensuquées de ne pas avoir assez dormi... dire qu'il va falloir passer une deuxième nuit ici... Aujourd'hui, Sylvie nous a réservé des places sur un yacht et nous allons jusqu'à deux îles baignant dans une réserve naturelle aquatique pour la journée. Sylvie espère voir des poissons, Anne, juste se baigner. Vaseuses et très en avance nous nous pointons à l'embarcadère. Si, par chance, il n'y a que nous, ça peut ne pas être mal se dit Anne du haut de son optimisme débordant. La joyeuse Sylvie est aussi dans le pâté mais fin heureuse. En fait, nous sommes 6. Le capitaine a profité que nous ne soyons que trois inscrits pour emmener sa belle et sa fille. L'autre touriste est un napolitain en vacances qui dort cette nuit sur le bateau. Et nous partons. L'humeur est bonne, nous faisons tous des efforts pour échanger malgré notre petit niveau linguistique dans la langue de l'autre. Non constatons que nous avançons lentement mais cela nous importe peu. Cela nous prend quand même deux heures et demie. Mais qu'importe ; nous sautons joyeusement dans l'eau. Enfin, sauf Sylvie qui a horreur de sauter dans l'eau ; elle n'arrive pas à se boucher le nez et elle déteste mettre la tête sous l'eau. L'eau, puisqu'on parle d'elle, est limpide. En fonction du fond qui est à environ 8 mètres, elle change de teinte. Mais, à part deux trois méduses, il n'y a rien à voir. Sylvie essaie de filmer, Anne reste dans son sillage en cas où celle-ci aurait besoin d'aide. Le capitaine par ailleurs ne nous accompagne pas. Nous qui sommes habituées à avoir des guides dans toutes les eaux que nous avons fréquentés, nous pourrions nous dire que ça ne la fait pas. Mais ça ne nous vient pas à l'esprit. Après cette trempette revigorante - c'est qu'il fait salement chaud aujourd'hui - Nous retournons au bateau. Sylvie remonte. Pas simple, mais elle y arrive. Anne regarde l'échelle de travers ; elle sait que c'est son moment de douleur. Bon an mal an elle y arrive mais elle y laisse beaucoup d'énergie et d'inquiétude ; elle craint toujours un peu qu'un jour elle n'y arrive pas. Elle se lance. Les deux pieds sur le même barreau, elle arrive à se projeter, à attraper les deux malheureux bouts de tubes censés jouer le rôle de poignées. Mais elle n'arrive pas à dégager l'un de ses pieds pour le poser sur le second barreau. Ça tire dans les bras, elle lâche. Et de un. Elle essaie autrement. Premier et deuxième barreau passé, les mains crispées sur les tubes, les muscles bandés - y'a pas à dire mais c'est qu'elle a de la charge à tracter - elle n'arrive pas à atteindre le troisième barreau. Le capitaine essaie de l'aider mais rien y fait, elle lâche. S'ensuivent plusieurs essais infructueux. Anne fatigue et commence sérieusement à se dire qu'elle n'y arrivera pas. Le capitaine montre grise mine et le napolitain qui ai venu aider aussi. Un ou deux essais suivent amène la fille du capitaine, puis le capitaine à sauter à l'eau. Finalement Anne met toute l'énergie qui lui reste, aidée de la jeune fille, arrive à passer le troisième barreau. Elle sent que ça pousse derrière elle, le napolitain arrive à lui attraper le bras et à tirer déçu et ça y est ! Elle est dans le bateau ! Elle a juste fait boire la tasse à la jeune fille.

 Le sauvetage de Anne

Mais Anne n'en peut plus. Elle a envie de vomir, ses mains tremblent, elle respire fort. Elle s'en remet, bien sûr, mais elle ne veut absolument plus retourner à l'eau, ce qui amuse le Capitaine "puisqu'on a la solution !" Clame t'il. Après ces vives émotions, nous repartons. Tout le monde est souriant (Anne un peu moins ; elle lutte contre la nausée en buvant de l'eau sucrée) et c'est à qui sortira sa bêtise sur l'évènement passé. Nous repartons vers le second mouillage qui est près de la deuxième île. Celle-ci est habitée, l'autre ne l'était pas. L'eau y est d'un bleu incroyable. Nous allons manger là. Beaucoup de personnes sont là sur toutes sortes de bateaux, tous pour la même chose ; plonger dans ce bleu sans pareil. Sylvie y retournerait bien mais personne ne se décide. Anne l'incite à y aller ; elle ne veut pas que Sylvie se prive pour elle. "Regarde, le Capitaine a tout installé ; l'échelle, la planche de sauvetage et l'ancre du bateau est jeté". Sylvie se lance. Mais à peine est-elle dans l'eau que Anne voit Sylvie s'éloigner à toute allure. Sylvie a à peine le temps de réaliser qu'elle essaie d'attraper la planche mais n'y arrive pas. Elle est emportée par le courant mais le bateau s'éloigne aussi ; le Capitaine a mal fixé l'ancre. On l'appelle car il est en train de préparer le repas. Il constate. Il va mieux fixer l'ancre et dit alors que ça va Sylvie peut revenir. Mais Sylvie n'y arrive pas ; le courant est trop fort. "Mais ! Vous ne rapprochez pas le bateau près d'elle ? Elle n'y arrive pas !" Dit Anne. Et là, il se fout en colère "mais va falloir arrêter d'aller dans l'eau !" Et des tas d'autres trucs en Italien où l'on sent bien qu'il commence à en avoir marre des gens qui savent pas nager et qui se foutent dans la merde ! Et Anne ça la contrarie très fort parce que ce Capitaine de mes deux n'a même pas pris la peine de nous prévenir qu'il y avait beaucoup de courant. C'est un capitaine, certes, mais il y connaît rien au tourisme. Il veut bien l'argent mais pas les responsabilités qui vont avec ! Et Anne, elle ne peut pas plonger pour rejoindre Sylvie ; elle n'aura pas la force de recommencer l'exploit de tout à l'heure.

Il faut sauver Sylvie 

D'un bateau se trouvant près de Sylvie plonge un gars qui lui ramène une bouée. Pendant ce temps le Capitaine interpelle un autre bateau plus petit que le notre et plus maniable en lui demandant d'aller chercher Sylvie car elle a dérivé vers des eaux où il n'a pas assez de profondeur pour y aller avec son yacht. Ça prend du temps mais Sylvie finit par remonter à bord. Mais le capitaine reste vénère ; il n'aide pas Sylvie. Il fait la gueule, ne nous parle plus et discute avec véhémence avec les autres. On mange dans une ambiance de merde où plus personne ne nous adresse la parole. Le Capitaine est encore plus agacé car Anne ne mange pas ou à peine. Et pour cause, elle a toujours la nausée. Rien que tourner le regard vers son assiette lui donne envie de vomir. Alors elle garde le regard fixé sur l'île pour contrecarrer les effets du roulis. Le bateau bouge plus à l'arrêt que quand il avance. Le temps passe, la vaisselle est faite, on finit par nous demander se qu'on veut faire. Sans équivoque nous disons rentrer. Mais, voyez-vous, le capitaine, lui, il veut faire la sieste et ça prendra 1h. Après il faudra 2h30 pour revenir avec ce bateau qui n'avance pas, une bonne demi-heure pour trouver un distributeur et payer le Capitaine qui ne veut que du liquide. Et tout ce temps là pour que chacun remache son ressentiment. Quelle belle balade on a fait là ! Mais, tout compte fait, si tant est qu'un jour nous l'avons évoqué - ce que ni de mémoire de Anne ni de mémoire de Sylvie est arrivée - nous n'envisageons plus du tout d'acquérir un yacht... non.... .. ... non. Ferme et définitif.

Adieu les iles Egades ou il n'y a rien à voir
10
 Scopello

Nous nous levons tard - 8h - pleines de courbatures. Après un bon petit-déjeuner nous nous offrons un tour dans la piscine débarrassée des enfants et de leurs mères en phase bronzage intensif. Quel bonheur ; pas de vagues ni de courant, pas de galets ou de gravillons sous les pieds, juste un jardin de cactus, lauriers roses, d'oliviers et de fleurs divers et, surtout, pas d'échelle à gravir. Et ça tombe bien car Anne a du mal à déplier les bras tant ses muscles protestent. Aujourd'hui nous prenons la route du retour. Nous dormons dans un hôtel tout près de l'aéroport. Nous passons par San Vitro le Capo en longeant la mer. Le ciel est incroyablement bleu, la mer limpide laissant voir des rochers jaunes ocres blancs noirs ... , la clim de la voiture nous fait oublier que c'est sans doute le jour le plus chaud où le filet d'air se fait la plupart du temps désirer. Nous sommes dimanche ; il y a foule sur les plages. La route est plaisante, quoi que pleine de circonvolutions. L'estomac de Anne n'apprécie que modérément mais son humeur est plus joviale que d'habitude, sans doute parce qu’hier est derrière nous et que la date du retour se rapproche sérieusement. Comme à l’accoutumée en voiture Anne parle parle parle, un peu comme si elle déversait ses pensées à voix haute, meublant le mutisme de Sylvie qui, concentrée sur la route, se laisse bercer par ce babillage et la musique.

San Vito Lo Capo 
  Scopello

Parfois Sylvie s'arrête comme elle le peut sur ces routes étroites et fréquentées, descend de la voiture pour prendre une photo et laisse entrer dans le véhicule une claque d'air chaud. Vite, midi arrive. Nous nous arrêtons à San Vito Lo Copo , petite ville balnéaire aux maisons basses et jaune pâle. Sylvie a la main heureuse en jetant son dévolue sur une trattoria située un peu en retrait de la plage. Nous y mangeons très bien. Nous discutons un peu avec un italien parlant un français plein de la lumière de son accent. Il est volubile. En apprenant de là où nous venons il nous exprime son avis négatif sur la Belgique. "Mais nous on aime la Belgique ! " lui répond Anne. Il argumente qu'un pays qui a trois parties ; une flamande, une Wallonne et une allemande, n'est pas un pays. Gentiment Anne lui signale que la Sicile qui ne se revendique pas tout à fait italienne a connu l'envahisseur espagnol. Il concède mais il n'aime pas la Belgique. Voilà tout. Anne s'esquive aux toilettes ; elle voit venir une discussion sans fin. Mais tout cela est bon-enfant. L'homme qui nous a également conseillé sur la table à prendre pour ne pas avoir trop chaud, s'en va en nous saluant jovialement. De retour à la voiture Sylvie constate que nous avons chopé un PV. Cela ne nous contrarie pas plus que ça ; on ne sait pas pour vous mais nous, à l'étranger, malgré toutes nos précautions et notre intention de bien faire, on finit toujours par se choper un PV. Le plus vieux dont nous nous souvenons, c'est à Prague. Nous nous étions engouffrés dans ce qu'on pourrait appeler un "piège à PV" ; seuls les autochtones avertis pouvaient l'éviter. Ça nous avait mis dans une drôle de colère. A présent, cet inévitable PV fait partie de notre folklore personnel. Nous repartons, heureuse de ses instants agréables - enfin, pas le PV ; faut pas abuser - et continuons notre promenade côtière. Décidément la mer est trop belle par ici ; Sylvie exprime son envie de retourner dans l'eau. Anne s'offusque ; plus de balades sur l'eau ! Plus de rues aux pavés disjoints montante ou descendante ! Du plat ! Rien que du plat !! Et loin de la foule des week-end si possible ! Puis nous arrivons à notre ultime hôtel situé dans une bourgade qui n'affiche pas sa proximité avec l'aéroport si ce n'est par l'importante présence de personnel de navigation ; certains partent, d'autre arrivent, la navette de l'hôtel n'arrête pas. Nous, nous n'envisageons qu'une chose pour le moment. Faire une sieste, boire un truc bon sur le bord de la piscine ou au bar - Sylvie, depuis le début, envisage de boire un truc orange fluo portant un nom du genre spritz mais comme il y a de l'alcool dedans et qu'on en boit quasi jamais elle hésitait - car il doit bien y en avoir un dans cet hôtel qui possède 4 étoiles et plein de pilotes... ça doit picoler les pilotes quand c'est au repos non ?

Fin de voyage autour de la piscine