Le port de Sciacca Réveillées à 5h du matin le temps nous semble un peu long avant l'heure du petit-déjeuner - 8h30. Cela nous pousse à plier nos bagages et les ranger dans la voiture. C'était bien ici ; le jardin, charmant, la piscine entourée de verdure, la chambre au design contemporain - tout est noir et dépouillé - la vue qui nous épargne les immeubles de banlieue, ... c'est bien... mais nous avons l'une comme l'autre une grande envie d'être loin d'ici. Donc, vite, nous partons. Après quelques menus difficultés pour quitter ce secteur aux improbables routes, nous voilà embarquées pour une traversée d'1h30 jusqu'à Sciacca, la route la plus en travaux que nous ayons prise jusqu'à présent. Quel que soit le pays, la période estivale est celle des travaux semble t-il.
Sciacca, un petit air des Cinque terre La campagne sicilienne La campagne nous apparaît plutôt plaisante et plus en conformité avec ce que nous imaginions de la Sicile, c'est à dire plutôt sec. Nous faisons une halte dans le café du port de Sciacca, histoire de nous recharger en caféine. Le lieu n'accueille manifestement pas de touristes ni de femmes mais des marins et des artisans. Ça parle fort et nous nous demandons autant qu'eux ce que nous faisons là. En fait, pour être triviales, nous cherchons des toilettes. D'ailleurs Anne, pour le moment, est dans l'embarras ; elle vient de se délester de façon très décorative de ce qui était hier midi des spaghettis à l'encre de sèche et elle cherche désespérément la chasse d'eau... qui est cassée. Ha bein, fallait que se soit cette fois là tiens ! Ce dit-elle. Elle ne peut cependant pas laisser le lieu dans cet état ; il en va de l'honneur des femmes françaises. Mais, y'a pas, elle doit demander de l'aide... Mais elle n'ose pas sortir, d'autant plus que le toilette n'a ni lunette ni abattant. Ha si ! Il est posé là, à côté ! Elle récupère donc l'abattant et le pose sur le toilette. Elle ouvre la porte. PANIQUE ! Une femme d'un certain âge s'avance pour prendre son tour. Mais qu'est-ce qu'elle fait là celle-là ? Anne, qui porte un masque comme il se doit, exprime avec ses yeux, ses mains "non n'entrez pas !" Avec l'intensité de "il y a une bombe ! Sauvez-vous !". La femme recule et le barman, alerté par la pantomime de Anne, comprend ce qui se passe et clame en joignant le geste à la parole, "è sulla parete laterale !!!". Mais que Anne est contente que l'italien ait l'intelligence d'être une langue proche du français ! La suite se règle on ne peut plus facilement, ce qui aurait justifié de ne point le raconter. Mais cet instant de totale solitude qui se transforme brusquement en un rien tout à fait normal mérite qu'on s'y arrête, ne serait-ce que pour apprécier la chance que l'on a... parfois. Puis nous repartons pour deux heures de route. "Faut qu'on fasse de l'essence" dit Sylvie. Nous visons les "salines de Nubia". La route traverse des vallons entiers de champs et de vergers sans l'ombre d'une nature libre. Ça attriste Anne, pas Sylvie qui n'a aucun état d'âme sur ce genre de choses. Elle, ce qu'elle voit, c'est que depuis 1h qu'on roule y'a toujours pas de pompe à essence. Et Anne s'attriste sur la forêt primaire qu'il y a du avoir là, dehors, il y a très, très, très, longtemps en se racontant des histoires de "baron perché" qui n'aurait pas pu exister de nos jours. Le temps se passe, sans forêt et sans pompe à essence.
Réserve naturelle des marais salants de Trapani et PacecoMais voilà que Sylvie est aux anges ; nous arrivons dans les salines et c'est encore plus beau que ce qu'elle imaginait. C'est calme, c'est vaste. L'eau est parfois rose. Des cristaux de sel bordent les côtés de chaque parcelle. Sur certaines de celles-ci des mouettes jouent les statues. Elle a même cru un moment que c'était des cailloux. Mais des cailloux sur une patte, elle avait des doutes. Après notre désormais traditionnelle sieste, nous voilà parties pour Erice.
Vue de Trapani depuis EriceC'est une ville, perchée - encore une - où aucune construction moderne n'a été tolérée. "Hé ! J'ai oublié de faire le plein et on est dans le rouge !" Clame Sylvie. Mais y'a pas de pompe là haut constate t-on. "Pas grave", dit Anne, "t'as bien 50 km devant toi encore". "Elle aime pas ça Sylvie. Ha ça non, elle aime pas ça". Recentrons. Erice. Donc. La plupart des bâtiments sont rénovés. Il y a peu de commerces, tous tournés vers le tourisme. Nous nous garons à la porte basse de la ville. Seul les résidents ont le droit de circuler à l'intérieur. La rue dans le prolongement est toute droite, bien pentue et pavée de cailloux aux arrêtes tranchantes, plantés très serrés et enserrés dans un large quadrillage de pavés très lisses. Sylvie, partie en avant peine à monter. Elle se retourne de temps en temps pour voir où Anne en est. "J'vais pas arrivé à redescendre !" Que celle-ci lui dit. Mais Sylvie n'a pas l'air d'entendre. Anne galère sur ces putains de cailloux qui, pour les petits, rendent instable son pas, et pour les plus gros sont glissants pour ses bâtons de marche. Peut-être qu'après cette rue on arrive à un plat... Elle ne va pas laisser Sylvie toute seule quand même... "J'vais pas arriver à redescendre !" Répète t-elle à une Sylvie arrivée plus haut, toute à son essoufflement. Nous arrivons à une pâtisserie. On y boit de l'eau, Anne mange un granité - pas Sylvie qui n'aime pas ça. Elle, elle mange des biscuits aux amandes... mais elle aime pas ça non plus. Nous repartons. "Mais c'est pas possible ! Ça monte encore et c'est pavé partout pareil !". Sylvie ça commence à la gonfler d'entendre Anne se plaindre. De toute façon, elle fait que ça se plaindre ; et mes pieds par-ci et mes chevilles par la ! HA MA TÊTE ! ! ET MON DOS ! !. Quand Anne lui dit qu'il va falloir trouver une solution parce qu'elle ne veut vraiment pas redescendre ça, elle n'y tiens plus. "Mais pourquoi tu l'as pas dit plus tôt ? ". Anne, interloquée "mais j'te l'dis dep... ho et puis merde. Puisque c'est chacun sa merde, continue ta balade moi je m'trouve ma solution." Sylvie continue de grimper en pensant "bein elle attendait en haut et je venais la chercher ! Il est où le problème ? ". L'art de tout compliquer celle-là, se dit Sylvie. Pendant ce temps, Anne se trouve une bonne âme locale qui accepte de la redescendre au parking. "Franchement, c'était pas sorcier ; elle abuse quand même... quand ça l'emmerde..." se dit Anne qui est plutôt contente d'elle. Puis Sylvie arrive et trouve Anne tranquillement assise sur un muret. "Bein t'as fait comment ?" "A quatre pattes bien sûr !". Après un petit échange d'expériences - un peu énergique il faut le dire - sur la beauté du paysage tout en haut et la gentillesse des italiens, nous repartons comme-si de rien était.
Erice et son chateau perchéHa merde l'essence. Faut redescendre tout en bas pour en trouver. Sylvie se re-inquiète. Anne s'agace de cette inquiétude mal placée. Effectivement, sans anicroches, nous voilà 15mn plus tard à faire le plein. "Franchement, il est où le problème ?" Aurait pu être le mot du jour. La fin de journée ? et bie, elle se résume à : photos de coucher de soleil pour Sylvie, pâtes aux sardines pour Anne, pour Sylvie couscous au poisson... mais elle aime pas ça. Retouche photos, lecture texte, pipi, douches, dodo... le problème ? On verra ça demain. Mais, comme d'habitude, y'en aura pas.
Coucher de soleil sur les marais salants